dimanche 3 janvier 2016

Charles GUILLOUX (1866 - 1946)



   Charles GUILLOUX a vingt ans quand les bases du Symbolisme sont posées dans le fameux article de Jean Moréas (1856 - 1910) paru le 18 septembre 1886 dans Le Figaro. Né le 15 décembre 1866 à Paris, il est de formation scientifique et intègre la Bibliothèque Nationale en tant qu’employé. On peut s’interroger sur ce qui déclencha sa vocation artistique ? Le jeune homme découvre surement la peinture dans les Salons qui attirent le tout Paris. Il adopte une démarche scientifique se nourrissant de lois sur la perspective ou de celle sur le contraste simultané des couleurs. En 1891, il expose pour la première fois au Salon des Indépendants où il est immédiatement remarqué par le critique d’art et collectionneur Roger Marx (1859 - 1913). 



L’année suivante, le critique Charles Fuinel évoque sa présence au Salon en des termes flatteurs : « Un impressionnisme modéré auquel appartiennent les meilleures toiles du Salon des Indépendants, en particulier les marines de M. Alphonse Osbert et les paysages de M. Charles Guilloux. Qui n'a admiré ce merveilleux Couchant sur la mer, de M. Alphonse Osbert ? Une mer agitée et pailletée d'or, une dune violette, un sable gris au premier plan et à l'horizon le soleil jetant toutes les irisations de sa lumière sur cette symphonie en jaune, en violet et en gris ; d'un côté, les ombres du soir déclinent dans un demi-jour cendré, de l'autre, les rayons de la lumière solaire se multiplient avec une aveuglante richesse sur les facettes innombrables des flots. Plus poétiques encore dans leur étrangeté sont les paysages de M. Charles Guilloux. De l'eau, des arbres et des ciels. Mais quelle transparence dans ces eaux, quels contours majestueux dans ces arbres funambulesques, quel plein air dans ces ciels ! Trois couleurs suffisent à la palette de M. Guilloux, mais il les module avec une habileté dont le charme est certainement dans l'absence de toute convention de détail et dans l'art avec lequel il sait rendre ces trois choses reposantes le ciel, les arbres et l'eau. Demandez-lui le secret de ces poésies qui s'appellent L'allée d'eau, L'Hyperboloïde, Calme rose, Funérailles héroïques, et il vous répondra peut-être que la nature agit sur nos sensations par masses compactes plutôt que par le fini des détails. Il aura ainsi exprimé toute la théorie de l'école impressionniste, et il sera bien près d'avoir atteint la vérité artistique s'il ajoute que le plein air en est la condition. »


Charles Guilloux expose dans les salons symbolistes et indépendants belges durant les années 1893 et 1895. Sans doute séduit par son œuvre originale, le galeriste Louis Le Barc de Boutteville (1837 - 1897) présente en avril 1896 une rétrospective de l’œuvre de l’artiste dans sa galerie parisienne. Charles Guilloux peint en Bretagne et en Normandie. Il réside avec son épouse Anne à la Frette-sur-Seine. Ce bord de Seine sera l’occasion pour l’artiste de peindre ces emblématiques soleils couchants aux rayons tentaculaires. 



André Mellerio (1862 - 1943) dans son livre de Le Mouvement Idéaliste en Peinture citera l’artiste dans les paysagistes néo-impressionnistes aux côtés d’Armand Guillaumin (1841 - 1927) et de Maxime Maufra (1861 - 1918). « Chez M. Guilloux, le parti pris décoratif est plus accentué. Il fut donné de contempler aux Indépendants en 1892 une série d'œuvres significatives à ce point de vue : L'Allée d'eau, Calme rose, etc. Dans ces paysages demeuraient seulement les configurations presque réduites à un schéma géométrique du sol, de l'eau, des arbres, des nuées. L'ensemble des teintes formait une harmonie donnant l'exquis du rêve. Cependant qu'au fond subsistait une sensation de réel, d'où se dégageait une émotion ou calme ou tourmentée qui saisissait et pénétrait. Peut-être y a-t-il là, pour une personnalité d'artiste, une façon nouvelle et particulière d'envisager la nature et d'en concevoir la représentation, tout en lui conservant son impression directe ?»


La peinture de Charles Guilloux pour reprendre les termes de Jean Moréas, "vêtit l’Idée d’une forme sensible". Il est plaisant de voir que l’aboutissement de cette quête aux accents scientifiques tint en une œuvre colorée et si poétique. Un "doctrinaire impénitent"* qui nous laisse sans doute in fine en marge des courants, une invitation très personnelle au rêve et à la méditationA l’âge de 80 ans, l’artiste s’éteint en 1946 dans la ville de Lormes dans la Nièvre.





* : In Dictionnaire des Petits Maîtres de la peinture 1820 - 1920, Gérald Schurr & Pierre Cabanne, Les Éditions de l'Amateur, 2008 

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